La logistique inversée, un défi grandissant
Article publié sur le site www.ametvs.com
Performance opérationnelle
Gérer les retours de ses clients n’a définitivement pas la cote auprès de la plupart des entreprises. L’attention des gestionnaires de la chaîne d’approvisionnement d’aujourd’hui se concentre principalement sur l’optimisation des flux de produits provenant des fournisseurs pour être ensuite vendus aux clients : « La logistique inversée se retrouve dans la même situation aujourd’hui que les flux entrants de produits dans les entrepôts il y a 20 ans, lorsque l’attention des entreprises était tournée vers les flux sortants de produits. »1 En fait, comme son nom l’indique, la logistique inversée fonctionne de manière diamétralement opposée en traitant les retours provenant d’une multitude de clients et en les renvoyant potentiellement aux fournisseurs, à moins qu’une autre alternative ne soit plus appropriée.
La logistique inversée concerne toutes les entreprises, peu importe leur position dans la chaîne d’approvisionnement. La grande quantité de retours que doivent gérer les détaillants, particulièrement à certains moments précis de l’année tel après la période des Fêtes, est l’exemple qui vient tout de suite en tête, mais ça ne s’arrête pas là. Il ne s’agit en fait que de la pointe de l’iceberg, car les retours se répercutent tout le long de la chaîne d’approvisionnement.
- Les clients des grossistes éprouvent de temps à autre des problèmes d’expiration de leur marchandise ou de surplus d’inventaire.
- Les manufacturiers effectuent des rappels de leurs produits et reçoivent bien sûr leur lot de produits défectueux provenant des fournisseurs.
Vers une amélioration de la gestion des retours
Peu importe l’entreprise, les grandes étapes d’un processus de gestion des retours sont les mêmes. Elles se résument à ceci :
- Analyser la situation actuelle : quelles sont les causes de retour dans votre entreprise? Quelle est votre politique actuelle en ce qui a trait aux retours? Quel processus avez-vous mis en place pour les traiter? À quel volume faites-vous face annuellement? Comment vos clients évaluent-ils votre performance? Comment vous positionnez-vous par rapport à vos compétiteurs? Voilà quelques questions qui devraient vous permettre d’établir vos priorités en terme de gestion des retours.
- Définir votre stratégie de gestion des retours : Déterminer de quelle façon une bonne gestion des retours vous aiderait à réduire vos coûts, à améliorer votre service à la clientèle, voire augmenter vos revenus. Il est approprié à cette étape d’évaluer certaines approches innovatrices telles, par exemple, écouler dans un marché secondaire un produit ne correspondant plus à nos critères de qualité, au lieu de le détruire, ou encore démonter le retour en pièces détachées afin d’en réutiliser les composantes dans des produits neufs ou de les vendre comme pièces de remplacement. Une fois vos objectifs déterminés, il est possible de développer votre politique de retours en conséquence.
- Élaborer le futur processus de gestion des retours : Fait important à noter ici, le processus de gestion des retours commence bien avant le moment où le produit est retourné. La façon de traiter les retours devrait être tenu en compte dès l’étape du développement de produit.
- Décider entre sous-traiter la gestion des retours ou pas : Sous-traiter cette gestion vous permettra bien évidemment de vous concentrer sur vos activités primaires et d’éviter, par le fait même, d’endosser les coûts associés au développement de cette expertise, voire bénéficier des économies procurées par l’expertise du sous-traitant. Une chose est sûre, cependant : comme toute décision d’impartition, il s’agit avant tout de peser les pour et les contre et de les quantifier économiquement.
- Réévaluer et améliorer le processus de façon continue : Cette étape, commune à tous les processus est bien souvent négligée, mais elle demeure l’apanage des leaders. Comme le disait si bien le chef de la direction d’un leader de l’industrie de détail d’objets d’art sur Internet : « Notre politique est de traiter promptement les retours, tout en ayant pour objectif de les réduire au minimum. »2 Cette philosophie n’est certes pas étrangère au succès de cette entreprise.
Les meilleures pratiques en œuvre
Lors de l’élaboration d’un nouveau processus de gestion des retours, certaines meilleures pratiques s’appliquent. En premier lieu, il est souvent approprié d’autoriser les retours par le biais d’un centre dédié ou d’une centrale d’appels dépendant de la nature du produit et du réseau d’achat/distribution. Ceci permet de poser un tout premier diagnostic et d’éviter les retours illégitimes, tels que lorsque le fonctionnement du produit n’a pas été bien compris par le client ou lorsque le retour va à l’encontre des politiques de l’entreprise en raison de la date d’achat ou de toute autre raison.
Une fois la validité du retour établie, des instructions détaillées devraient permettre de trier immédiatement les retours selon leur prochaine destination (remise en inventaire, retour au fournisseur, réparation, remballage avant remise en inventaire, etc.). Il est également de mise de générer un numéro unique de retour (communément appelé « Return Merchandise Authorization »), lequel permettra de suivre le retour tout le long du processus de traitement. Si un produit de remplacement est offert au client en guise de compensation, il serait bon d’en tenir compte lors du réapprovisionnement éventuel de ce produit. Et finalement, dans le cas de l’utilisation d’un centre d’appels dédié, la collecte du retour pourrait être organisée au même moment.
Une fois les retours récupérés, il faut s’assurer de les suivre à chaque étape du processus de traitement et selon la catégorie de retours. Si le volume traité est important, il est potentiellement bénéfique de centraliser leur traitement. C’est le cas notamment lorsque les fournisseurs exigent un volume minimal de produits avant d’accepter un retour. Lorsque le volume minimum de produits entreposés en un endroit commun est atteint, il est alors possible de déclencher automatiquement la dernière étape du processus en transmettant au fournisseur une demande de retour, en émettant des instructions de cueillette des retours à l’entrepôt et en imprimant les étiquettes et autres documents de livraison.
De problème complexe en arme stratégique
Les retours causent bien des défis à toutes les entreprises, mais afin de réaliser le besoin d’en améliorer la gestion, quoi de mieux que de commencer par évaluer ce qu’il vous en coûte en terme de retours? Puis demandez-vous comment vous pourriez tirer profit de vos retours, soit en augmentant vos revenus, soit en améliorant votre service à la clientèle. Certaines compagnies se sont posé la question et y ont trouvé des réponses satisfaisantes.
- 86 p. cent, en terme de poids, de toutes les caméras jetables Kodak sont recyclées ou réutilisées dans la fabrication de nouvelles caméras.
- La compagnie de cosmétiques Estée Lauder avait l’habitude de jeter environ 60 millions de dollars de cosmétiques retournés par année, ce qui constituait le tiers du volume de leurs retours.
- General Motors a centralisé son processus de retour des pièces sous garantie provenant des concessionnaires d’Amérique du Nord, ce qui lui a permis de traiter efficacement une moyenne de 30 000 pièces par mois.
- 3M, un important manufacturier de produits divers, recycle de 10 à 15 millions de dollars de produits retournés, défectueux ou gaspillés en cours de production, sans compter la liquidation annuelle d’environ 40 à 50 millions de dollars de produits à d’autres divisions de la compagnie.
Qui sait, peut-être serez-vous en mesure vous aussi de transformez ce problème complexe en arme stratégique?
1 James R. Stock, professeur à l’Université de Floride.
2 Bill Hensler, Directeur en chef des opérations, Ashford.com., 2001.